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Pierre Jean Dessertine, Ténor
Je suis entré dans la chorale en 2001, lorsque je suis venu habiter de ce côté-ci de la chaîne de l'Étoile. Deux amis faisant partie de cette chorale, et avec qui j'avais déjà chanté ailleurs, m'y ont convié.
Cette chorale n'avait alors pas le même nom, et pas le même lieu de résidence. Et pourtant c'était bien la même chorale que celle que nous connaissons aujourd'hui, car malgré tous les changements, les principales personnes qui m'ont alors accueilli, et qui ont fait que je me sente bien de chanter dans ce groupe, lui sont restées fidèles.
Ce dont je m'aperçois, c'est que l'identité d'une chorale, sans doute plus que pour d'autres groupes sociaux, tient surtout aux personnes qui la constituent.
Pourquoi je pratique le chant choral ? C'est simple : j'aime chanter. Je l'avais un peu oublié − je veux dire : j'avais oublié le plaisir que j'avais à chanter quand j'étais gosse. Je l'avais oublié parce que, dans la vie sociale, en particulier professionnelle, on ne chante pas, ou plutôt, on ne chante plus spontanément. Or, un jour, j'ai entendu, à l'occasion d'une petite fête, une modeste chorale qui s'était constituée sur mon lieu de travail. C'est à ce moment-là que j'ai redécouvert que j’aimais chanter, et que j'avais l'envie de rejoindre ce groupe.
Chanter n'est pas anodin. Le chant est-il autre chose que la modulation, selon la hauteur, le timbre, le rythme, « des accents, des cris, des plaintes » que « la nature nous dicte » lorsqu'il s'agit « d'émouvoir un jeune cœur » ou « de repousser un agresseur injuste » (je cite J-J Rousseau) ? Autrement dit, par le chant on communique avec son cœur, on offre à l'autre quelque chose de son intimité.
C'est pourquoi le chant est si intéressant pour nous sortir d'une vie sociale où la compétition amène si souvent à masquer ses sentiments derrière des apparences convenues. On parle volontiers de « langue de bois », on ne conçoit pas qu'il y ait un « chant de bois » ! Chanter dans une chorale est ainsi bienfaisant sur le plan des relations humaines. Cela apporte un bien-être « moral » − dans le sens du mot quand on dit que ça donne le « moral ». Mais cela apporte aussi un bien-être physique, car chanter c'est donner généreusement de l'énergie (vocale) et, à travers elle, extérioriser toutes les émotions vécues dans la vie sociale dont l'expression avait du être retenue. Et cela apporte calme et sérénité.
Il y a certes des chansons que j'aime mieux chanter que d'autres. Mais je me garderai de donner des noms. Car cela n'est pas du tout figé. Cela dépend de facteurs personnels qui ne sont même pas clairs à moi-même ; surtout cela dépend fortement de la façon dont la chanson est portée par le groupe des choristes. J'ai fait très souvent l'expérience de chants qui paraissaient peu séduisants au premier abord, et qui se sont révélés enthousiasmants au bout du travail collectif.
Ce qui m'a énormément intéressé dans l'aventure vécue avec cette chorale, c'est la richesse des types de chants qu'elle m'a permis de découvrir. Cette richesse semble inépuisable et m'apporte beaucoup de bonheur. Chaque chant nous restitue des voix qui ont exprimé, d'un certain point de vue, à leur manière propre, mais toujours authentique, l'infini intérêt à vivre des hommes, même lorsqu'ils sont dans les conditions les plus difficiles.
Je pense que c'est un acte d'espoir de faire entendre ces voix aujourd'hui alors que la démission fataliste est si répandue face à un avenir de l'humanité trop peu visible.